CultureGastronomie

En savoir plus sur le classement officiel de “la préparation traditionnelle de la Chiktay” au registre du Patrimoine Immatériel Haïtien

Chiktay | © Mangeons Lakay
Après environ deux années de silence radio quant à la liste des éléments immatériels du patrimoine haïtien, le Ministère de la Culture et de la Communication vient de classer officiellement “La préparation de la Chiktay” au registre du patrimoine immatériel haïtien ce 22 septembre 2023. Cette pratique alimentaire, très prisée lors d’événements festifs, est pleinement appropriée aussi bien dans la communauté haïtienne que dans la diaspora.

La préparation de la Chiktay

Le mot “Chiktay” – “Chiquetaille” en français – signifie “petits morceaux”, et justement dans la préparation de ce mets, la première étape est de déchiqueter l’ingrédient principal. Selon les communautés ou encore les goûts de ceux qui préparent la Chiktay, cet ingrédient peut être du thon, de la morue, du jambon, de l’hareng saur ou encore du poulet. Il y a donc une variété de Chiktay, la différence est faite en fonction de l’ingrédient utilisé car dans le créole haïtien il est toujours rattaché au nom du mets. “Chiktay aransò” et “Chiktay mori” par exemple.

Une fois déchiquetée, le hareng va reposer dans de l’eau pendant environ 30 minutes. Ensuite, il va être séché afin de recevoir les autres ingrédients comme le piment, les clous de girofle, le poivre, de l’ail, du persil, du jus de citron, du thym, de l’oignon, de l’huile d’olive ou végétale. Après macération et une fois prête, la Chiktay sera servie avec des petits pains ronds produits à cet effet. Dans certaines occasions, elle peut aussi être servie avec des cassaves qui proviennent des départements du Nord et du Sud d’Haïti.

Origine de la Chiktay

Cette pratique alimentaire n’est pas propre à Haïti, on la trouve en d’autres endroits des Antilles sous le nom de “Souskay”. La Martinique et la Guadeloupe sont en effet deux territoires distinctes où les communautés ont aussi l’habitude de la préparer. Quant à son origine, il est dit que l’histoire des savoirs liés à la préparation traditionnelle de la Chiktay viendraient des mécanismes de l’esclavage et de la colonisation française. C’est donc une autre pratique façonnée par le brassage culturel opéré dans les Caraïbes durant plusieurs siècles d’esclavage.

Formes d’appropriation

À cause des ingrédients qui la composent, la Chiktay est consommée par quasiment toutes les couches de la société haïtienne, sans restrictions liées à la religion et le sexe. Elle est souvent préparée avec une forte dose de piment et servie dans les activités où l’alcool coule à flot. La raison est que dans la culture haïtienne cette épice est connue pour sa capacité à faire baisser le niveau d’alcool présent dans l’organisme du consommateur. C’est aussi un mets qui est présent lors des foires gastronomiques et dans le menu de certains restaurants. Elle peut être consommée en groupe ou de manière individuelle, mais ce qui ne change pas c’est son ancrage social et sa popularité auprès de tous.

Le classement officiel de la Chiktay en fait un élément protégé par les lois haïtiennes, conformément aux directives de la Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel de 2003. Et si on persiste à utiliser le terme “immatériel” alors que la Chiktay est tangible, c’est que ce sont les connaissances mobilisées lors de sa préparation qui font l’objet de ce classement. Concocter un savoureux bol de Chiktay demande en effet un savoir-faire digne des plus belles heures de nos grands-mères.

Ce classement est sans nul doute le premier d’une longue série, les trois derniers mois de l’année 2023 verront certainement d’autres éléments du patrimoine haïtien faire l’objet d’une reconnaissance nationale. En attendant, la lumière est accaparée par la Chiktay. Faisons donc honneur à ce délicieux mets en le dégustant sans retenue et en l’appréciant à sa juste valeur.

Préparation traditionnelle de la « Chiktay (Créole) ou Chiquetaille (français)

Comment here