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Un bol de “Tchaka” s’il vous plait !

Si l’on se réfère à la liste des éléments culturels classés au registre national du patrimoine culturel haïtien, on peut aisément remarquer que l’année 2019 a fait la part belle à la gastronomie. Sur les six pratiques culturelles classées cette année là, quatre sont des préparations culinaires. À l’approche de la fête nationale de l’agriculture et du travail (1er Mai), nous allons mettre un coup de projecteur sur un plat qui représente l’essence même de cette célébration annuelle : le Tchaka.

Description

Le tchaka est un ragoût haïtien d’origine africaine, à base de haricots rouges, de vivres, de maïs et de viande de porc salée. Souvent considéré comme un bouillon aussi, ce plat a plusieurs variantes dans sa préparation. Dépendamment de la zone géographique en question, les ingrédients utilisés peuvent être différents. À la place de la viande de porc, certains préfèrent mettre du boeuf, du mouton ou même du crabe. Et selon les gouts de la personne qui cuisine et des produits qu’elle a à sa disposition, on peut voir des patates et du lam veritab au lieu du malanga et de l’igname.

La date d’apparition du Tchaka reste inconnue, mais des sources la fait remonter vers la fin de la période esclavagiste. Cette théorie suppose que quand les esclaves pratiquaient le marronnage, ils avaient l’habitude de se regrouper dans les hauteurs pour ensuite utiliser leurs connaissances des plantes pour concocter le tchaka. À ce qu’il parait, la consommation de ce plat leur permettait d’emmagasiner beaucoup d’énergie et d’être beaucoup plus résistants. Ce surplus d’énergie les aidait à tenir durant plusieurs jours, ce qui augmentait leurs chances de s’échapper des plantations de manière définitive.

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Tchaka et ruralité

Tout comme d’autres éléments de la gastronomie haïtienne, le tchaka est quasiment toujours lié à la ruralité. Et pour cause : la tradition du konbit. Quand les paysans se réunissent pour aller aider un voisin à labourer ses terres, une grande quantité de ce ragoût est préparé. Le but recherché est d’avoir de la force afin de mieux résister à la chaleur du soleil en milieu de journée. En plus des konbit, le tchaka est aussi présent à l’occasion de la Toussaint le 1er novembre, et de la fête de l’agriculture et du travail comme c’est mentionné plus haut.

Lors de certaines cérémonies vodoues, on peut le voir circuler dans les houmforts. Pour cette raison, le tchaka est appelé “manje lwa” dans certaines communautés. Le “lwa” en question n’est autre que Kouzen Zaka, ou encore Azaka Mede. Cette divinité du vodou est le “lwa” de la moisson, de l’agriculture et du travail. Il est aussi considéré comme un maitre dans l’utilisation de feuilles et d’herbes qui ont des vertus médicinales pour traiter certaines maladies. Dans la mythologie haïtienne, Kouzen Zaka est représenté comme un paysan qui arbore un habit traditionnel, en plus d’avoir une pipe sans sa bouche, un chapeau de pailles sur sa tête et un djakout en bandoulière sur son épaule.

Que ce soit lors de la célébration des fêtes annuelles, pour donner à manger aux “lwa” ou encore lors des konbit, la préparation du tchaka traine un fort symbolisme. Cette nourriture reflète la diversité de notre culture et le métissage qu’on a subi comme peuple ayant connu plusieurs civilisations. Et en plus de ces valeurs nutritives, ce plat reste et demeure un élément fort de notre identité africaine. Quand viendra enfin le premier mai, n’hésitez surtout pas à vous procurer un bol rempli de tchaka et célébrez fièrement votre haïtiannité.

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