« Il faut de tout pour faire un monde », nous disent-ils, mais actuellement dans notre société haïtienne, c’est en mettant n’importe quoi au devant de la scène que ce dit monde que nous devrions construire tend à s’effondrer.
Déjà, faudrait-il bien arrêter la flatterie ; appelons un chat par un chat, et cessons de lui faire croire qu’il est un tigre. Depuis bien trop longtemps on observe, et sans réaction d’ailleurs, la dérive que subit notre secteur culturel. Encore est-il que c’est quand même trop classe d’user toujours de cette appellation au stade où on en est. Puis, pour se situer et dans le but de ne pas suivre une voie médiocre, commençons par définir ce qu’est un Secteur Culturel.
Par « Secteur Culturel », il faut entendre d’abord, d’une manière restreinte, un type d’organisation propre, dans des domaines clés tels : l’art visuel, l’art du spectacle et le patrimoine. Et pour élargir un peu le cadre, il est à noter que les activités liées au secteur culturel relèvent notamment de la consommation, de la production… dans des domaines entourant la danse, la musique, le théâtre, les programmes de radio et de télévision. Et parmi tout cela, le maître-mot demeure : la CRÉATIVITÉ ! Mais ici, tout va de travers.
La radio et la télévision sont les premières victimes de ce massacre. En plein 21e siècle, les pauvres ont été vandalisés par des avares dénués des compétences requises, et là elles ne sont que le reflet d’un passé existentiel. Avec ce chaos, beaucoup se diront qu’il n’y a actuellement, en Haïti, plus de programmes télévisés ou radiodiffusés dignes d’être instructifs, divertissants… Pourtant on en possède, mais savez-vous ce qui se passe ?
Il se trouve que dorénavant nous nous évertuons à faire de la publicité pour la médiocrité. Vous allez sûrement clamer à l’intolérance ? Mais comment expliquerez-vous à vos enfants quelque temps plus tard qu’un personnage X répétant des obscénités à longueur de journée a eu le mérite d’être diffusé et même d’être très demandé. Elle sera où votre fierté quand prochainement toute votre représentation culturelle sera à travers un jeune Y usant de la ruse, de la diffamation et d’une fausse identité pour se faire des sous. Depuis trop longtemps il est question de views sur des réseaux tels : TikTok, Instagram, Facebook et nous en passons, et à cette seule fin au prix de quoi ? Au prix même de la honte et de la déshumanisation.
D’un côté, nous avons ceux qui vivent pour la caméra et pensent que même leurs vies privées est sujet à un hit des années 50. Puis de l’autre, nous avons « des médias » qui n’ont de cesse de singer, de provoquer et même jusqu’à ironiser un viol fait sur un mineur. « À la dernière nouvelle il y a un challenge lancé sur cette histoire de viol ; à vos écrans pour vivre l’horreur diffusé ! »
On en parle des « zen » de chaque semaine ? Personne ne veut empêcher une autre de s’amuser, mais en ce sens, il y a l’amusement et la médiocrité, ne confondez pas ! Jusqu’à présent, aux yeux de ceux qui savent observer, il n’est question que de linges familiaux lavés en public, d’infidélité divulguée et supportée, et bien entendu, de diffusion de photos intimes dans le but de punir un(e) autre qui m’a trompé, trahi ou même quitté (à croire que même la liberté sentimentale personnelle n’y est plus). Vous nous direz comme d’habitude : “laissez-les vivre leur vie !” Déjà il faudrait se demander si ça c’est une vie ?!
Et si vous concluez que c’en est une, alors bien sûre qu’ils méritent de la vivre leur vie, mais de grâce, avec ces opportunistes sans caboche, n’empêchez pas l’évolution à d’autres conscients de l’importance de la CRÉATIVITÉ dans l’avancement du secteur culturel. Le but, ce n’est nullement de bannir qui que ce soit, mais juste d’apprendre à mettre chaque chose à sa place. Trop de talents restent dans l’ombre parce que vous ne faites que présenter du « RIEN ».
Si vous n’avez pas de dons naturels, vous n’avez pas fait l’école de musique, de danse, de théâtre… de grâce, ne venez pas entraver les parvis du secteur culturel. Vous n’êtes pas formés dans l’animation, la présentation : pitié, ne venez pas nous corrompre le tympan de vos obscénités sans sens. Libre à vous de les répéter, mais faites-le avec ceux qui veulent les consommer, nous ne sommes pas tous intéressés par « ÇA ».
Vous sentez que vous possédez un don pour la comédie, restez dans la ligne, et faites-nous découvrir l’art de l’humour. Laissez la nudité des femmes tranquilles ; une femme évanouie face à vous, sans culotte, n’est pas une invitation pour la toucher, soyez cohérents s’il vous plaît ! Vous voulez le respect en tant que magazine digne de ce nom ? Et bien plongez-nous au cœur d’une thématique abordée avec des tournures de phrases respectables et moins de fautes d’orthographes. Molière en a marre de se retourner dans sa tombe !
Vous qui ne cessez de consommer et de diffuser de partout ce qu’ils pondent en toute absence de neurones, vous êtes tout autant coupables qu’eux, car vous leur faites penser que leurs méthodes sont utiles. Sachez que ce n’est guère ainsi qu’on construit une société. Et quand demain vous serez mis à l’écart loin des grands, sachez que vous serez en train de payer les conséquences de vos actes.
À ceux qui crieront à l’intolérance, comprenez que quand l’écoute de toute une génération appelée à prendre les rênes de l’avenir repose sur ce que vous menez comme activité, la tolérance vers du n’importe quoi n’est guère possible. Vous pouvez faire mieux que ça. Commencez et faites le dès maintenant, construisez-vous à travers ce que vous regardez et écoutez. Réfléchissez à ceux que vous désignez pour envoyer au devant de la scène car en l’occurrence c’est vous qu’ils représentent. « Il n’y a pas de création artistique sans éducation artistique », nous dit Catherine Tasca, donc si vous pensez bien faire en supportant autant « d’accoutrements plastiques », bonne continuation dans la dérive !
[…] La dérive plein la face ! […]