
Music Video Africa Awards : quand la reconnaissance musicale devient une arnaque

Depuis plusieurs mois, les Music Video Africa Awards (MVAA) circulent sur les réseaux sociaux en se présentant comme une cérémonie prestigieuse basée à Lagos, au Nigeria. Plusieurs artistes haïtiens, parmi lesquels Bedjine, K-Dilak et récemment Anie Alerte, ont même été annoncés comme nominés, suscitant l’enthousiasme d’une partie du public. Pourtant, une enquête menée dans l’émission De Tout et De Rien de Carel Pedre, ainsi que les constats relayés par Haitianbeatz, soulèvent de sérieux doutes sur la légitimité de ces prix.
Commençons par des signaux inquiétants :
– Une création récente et opaque : la page Facebook des MVAA n’a été créée que le 6 mai 2023. Plus troublant, son administrateur est basé… en Norvège, et non au Nigeria comme ils le prétendent.
– Absence de couverture médiatique locale : malgré leurs prétentions de prestige, aucune trace des MVAA dans les médias nigérians ou africains reconnus.
– Une communication peu professionnelle : au lieu d’adresses officielles ou de plateformes reconnues, les organisateurs privilégient WhatsApp pour contacter artistes et nominés.
Un système de votes payants
L’un des points les plus alarmants concerne le mode de fonctionnement :
– 10 votes coûtent 5 dollars
– 120 votes coûtent 50 dollars
– 300 votes coûtent 100 dollars
En plus de cela, les artistes doivent payer pour être nominés, avec des frais dits “non-remboursables”. Aucune transparence n’est assurée sur le nombre de votes réellement enregistrés.
Lors de son enquête, Carel Pedre a tenté de tester le système en achetant un forfait de votes via PayPal. Après paiement, il n’a jamais été redirigé vers une page de confirmation. Un dysfonctionnement qui alimente l’hypothèse d’une fraude pure et simple.
Et justement, les MVAA ne seraient pas un cas isolé mais plutôt une dérivation des Zikomo Awards. L’expérience menée par Carel Pedre dans son émission De Tout et de Rien l’a clairement montré : après avoir payé un forfait de votes sur le site des MVAA, le paiement a en réalité été perçu par les Zikomo Awards. Tout indique que les organisateurs recyclent le même modèle – et parfois même les mêmes contenus visuels – pour multiplier les “cérémonies” de remise de prix fictives. Le mécanisme reste identique : nomination douteuse, votes payants et aucune transparence sur les résultats.

Un piège pour la communauté artistique haïtienne
L’enthousiasme suscité par la nomination de artistes comme Bedjine, K-dilak et Anie Alerte montre à quel point ce type d’initiative joue sur l’espoir d’une reconnaissance internationale. Pour de nombreux fans, il s’agissait d’une occasion inédite de voir la musique haïtienne briller sur une scène africaine. Mais derrière les promesses, les conditions imposées et le manque de crédibilité transforment cette opportunité en désillusion.
Face à ces pratiques, les professionnels de la musique et les artistes doivent faire preuve de prudence :
– Vérifier l’historique d’un prix (anciens lauréats, presse, partenaires réels).
– Éviter tout paiement obligatoire pour une nomination ou des votes.
– Privilégier les distinctions reconnues, transparentes et soutenues par des institutions crédibles.
Les MVAA illustrent une réalité préoccupante : la multiplication de fausses cérémonies exploitant les rêves de jeunes talents africains et caribéens. Si la quête de reconnaissance internationale est légitime, elle ne doit pas se faire au prix de l’intégrité artistique et financière.