Décès de Michel-Philippe Lerebours : Haïti perd un grand historien de l’art

L’historien de l’art et chercheur haïtien Michel-Philippe Lerebours est décédé dans la nuit du samedi 25 octobre 2025, à l’âge de 92 ans. Figure incontournable de la pensée artistique haïtienne, il laisse derrière lui un héritage intellectuel immense et une œuvre fondatrice pour la compréhension de l’art national.

Né à Port-au-Prince, Michel-Philippe Lerebours a consacré sa vie à l’étude et à la valorisation de l’art haïtien. Diplômé de l’École Normale Supérieure en 1955, il obtient successivement une licence en droit et sciences économiques en 1958, puis une licence en lettres et sciences humaines à la Sorbonne en 1962. En 1980, il soutient à l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne une thèse de doctorat en histoire de l’art et en archéologie.

Son ouvrage majeur, “Haïti et ses peintres de 1804 à 1980 : Souffrance et espoirs d’un peuple”, publié en deux volumes, demeure une référence essentielle dans l’étude de l’art haïtien. À travers ce travail, Lerebours proposait une lecture sensible de la création artistique, ancrée dans les luttes, les douleurs et les aspirations du peuple haïtien.

Tout au long de sa carrière, il a œuvré pour renforcer les institutions culturelles du pays. En 1983, il devient responsable de la section « Art et Archéologie » du Musée du Panthéon National Haïtien (MUPANAH), avant de fonder et diriger l’École Nationale des Arts (ENARTS) jusqu’en 1991. Sous sa direction, l’école s’imposa comme un espace de formation et de réflexion reconnu, contribuant à l’émergence d’une nouvelle génération d’artistes et de chercheurs.

Parallèlement à son travail d’historien, Michel-Philippe Lerebours s’est intéressé au théâtre. Entre 1957 et 1960, il fut membre de la Société Nationale d’Art Dramatique et écrivit plusieurs pièces, parmi lesquelles Les Circoncis de la Saint-Jean, Le Roi et Temps mort. Son œuvre dramatique traduisait déjà une sensibilité critique et une conscience aiguë des réalités sociales de son époque.

Chercheur infatigable, il a également publié de nombreux articles sur des thèmes tels que la mémoire de l’esclavage et le patrimoine haïtien, notamment Esclave, mémoire et patrimoine : l’habitation sucrière dominguoise et vestiges d’habitations sucrières dans la région de Port-au-Prince. Sa démarche scientifique alliait rigueur et engagement, dans une quête constante de compréhension du lien entre art, histoire et identité.

La disparition de Michel-Philippe Lerebours représente une perte considérable pour la recherche, l’enseignement supérieur et la culture haïtienne. Historien, pédagogue, homme de lettres et de scène, il a consacré plus de six décennies à explorer et à transmettre les multiples facettes de l’identité haïtienne à travers l’art. Son œuvre, à la fois érudite et profondément humaniste, continuera d’inspirer ceux qui croient en la force de la culture comme mémoire et moteur d’avenir.

Nous vous invitons à visionner le 8e épisode de l’émission «  À Qui La Création ?  »