Léonica Pierre Maintus : entre passion, défis et plaidoyer pour les artistes haïtiens

Dans le 6e épisode de l’émission “À Qui La Création ?“, animé par Ilande Vil en partenariat avec Bèlide Magazine, l’actrice et réalisatrice Léonica Pierre Maintus a partagé son parcours, ses réflexions et ses combats pour la reconnaissance des artistes en Haïti.
Un parcours marqué par le théâtre et le cinéma
L’aventure artistique de Léonica commence très tôt. À seulement 14 ans, elle monte pour la première fois sur scène au sein de l’Alliance Française. Quelques années plus tard, à 17-18 ans, elle fait ses premiers pas au cinéma dans Journées de couleurs, avant d’apparaître dans 10 raisons pour tromper son mari et Commerce de charme.
Son talent l’amène également à se produire sur les scènes d’Europe et des États-Unis lors d’une tournée théâtrale. En 2013, elle renoue avec le cinéma, mais cette fois derrière la caméra, en réalisant le court-métrage documentaire Mo, sélectionné dans deux festivals, au Québec et en Biélorussie. Depuis, elle s’est tournée vers la production de films et de documentaires, avec pour objectif de valoriser la culture haïtienne.
Les obstacles des artistes en Haïti
Malgré sa passion, Léonica décrit une réalité difficile pour les créateurs haïtiens. Elle déplore :
– Le manque de reconnaissance sociale : « Être artiste en Haïti n’est pas encore considéré comme un vrai métier ».
– L’absence de protection des droits d’auteur et d’image, qui laisse les artistes sans recours.
– Les conditions financières précaires et l’exploitation fréquente.
– L’impossibilité de revendiquer ses droits dans un pays où « même le droit à la vie reste fragile ».
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Rémunération et droits d’auteur : un système défaillant
Léonica insiste sur l’urgence de repenser la rémunération dans l’industrie culturelle haïtienne. Alors que certains films haïtiens accumulent des millions de vues sur YouTube, leurs créateurs ne perçoivent aucune compensation équitable.
À l’inverse de pays voisins comme la République Dominicaine, Haïti ne dispose pas de mécanismes solides de protection pour ses artistes. Le Bureau Haïtien du Droit d’Auteur (BHDA), censé jouer ce rôle, est aujourd’hui inopérant. De plus, aucun barème n’existe pour fixer une rémunération minimale des acteurs et réalisateurs.
Produire en Haïti : un chemin semé d’embûches
Les difficultés ne se limitent pas aux droits. Le financement des projets culturels est un autre défi majeur. Les institutions privilégient les événements ponctuels — festivals ou spectacles — au détriment d’initiatives durables et éducatives. Selon Léonica, cette logique favorise la quantité plutôt que la qualité.
Or, réaliser un film ou un documentaire de qualité exige du temps, des ressources et un accompagnement que peu d’artistes peuvent obtenir.
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Conseils aux jeunes créateurs
Malgré ce contexte, Léonica adresse un message d’encouragement aux jeunes artistes haïtiens :
– Croire en leur passion et en leur talent.
– Ne pas attendre la validation extérieure.
– Cultiver leur créativité comme une flamme intérieure.
– Utiliser l’art comme un outil puissant pour préserver et promouvoir la culture haïtienne.
Projets et plaidoyer
Actuellement, Léonica travaille sur un documentaire autour d’un site historique et touristique haïtien, pour lequel elle espère obtenir un soutien institutionnel. À travers ses projets, elle souhaite continuer à mettre en lumière les richesses du patrimoine national.
En parallèle, elle appelle à des actions concrètes pour transformer le milieu artistique :
– La création d’un syndicat d’artistes pour défendre collectivement leurs droits.
– L’établissement de barèmes de rémunération minimaux.
– Un dialogue direct avec le ministère de la Culture afin d’obtenir des mesures réelles de protection.
Entre passion, résilience et engagement, Léonica Pierre Maintus incarne cette génération d’artistes déterminés à faire vivre l’art en Haïti malgré les obstacles. Son témoignage résonne comme un plaidoyer en faveur d’une meilleure reconnaissance et d’une véritable valorisation du travail artistique dans le pays.