Depuis 14 ans déjà, nous commémorons chaque année les pertes en vies humaines et en biens que le pays a connu lors du séisme du 12 janvier 2010. On n’a pas oublié, on s’en souviendra toujours. Les séquelles sont d’ailleurs trop grandes et l’abime est encore trop profond pour cela. Ces 45 secondes nous ont secoués, étripés et anéantis. Et depuis, nous n’avons jamais su nous relever correctement. Nous boîtons encore.
Probablement, vous sortiez de l’école, ou vous regardiez la télé chez vous par cet après-midi orageux, ou vous mangiez… qu’importe. Le fait est que vous vous rappelleraez toujours de ce que vous faisiez à ce moment-là, et puis le vide. Et l’après. Le 12 janvier 2010, vers 4h53 PM, Haïti a connu l’un de ses plus grands séismes ; un tremblement de terre de magnitude 7.2 ayant fait plus de 280 000 morts et plus de 300 000 blessés sans compter les disparus. Les chiffres ne sont plus des chiffres quand il s’agit de notre sœur, notre mère, notre petit frère, notre fiancé. Quand on se remémore comment la maison a coulé, comment la peur nous a assailli, comment les cris nous sont parvenus de notre décombre étant. Quand on a tout perdu, de notre album photo à notre famille entière. Quand le mot survivant ne tient plus son sens à nos yeux. Les chiffres disent tout, mais ne disent rien à la fois car l’expérience est dans notre mémoire, et notre histoire, elle est réelle.
14 ans plus tard, les rues n’ont presque pas changé. Nos maisons ont peut-être été reconstruites, nous avons peut-être un nouvel emploi, mais nous nous souvenons encore de nos êtres chers disparus cet après-midi. Cette cassure reste là. L’avant. Et l’après. Pourtant, les constructions anarchiques ont bondé après le séisme, nous offrant une capitale en béton, bidonvillisée avec des avoisinantes tout aussi mal construites. Le pays ne peut toujours pas répondre aux catastrophes naturelles. Nos institutions ne répondent toujours pas aux normes parasismiques. L’irresponsabilité est telle, c’est à croire que le pays n’a jamais connu de séisme ou n’est plus un pays vulnérable à d’autres catastrophes naturelles.
Nous sommes un pays insulaire, et nous sommes enclins à connaître des séismes à cause du déplacement des plaques tectoniques entre lesquelles nous sommes enserrées. La menace sismique est donc présente, factuelle. L’ignorer ou en faire fi ne l’empêchera pas de nous rattraper. Tout devoir de mémoire est aussi une responsabilité. Une responsabilité de faire mieux, de prévenir, d’éviter le pire. Le séisme du 14 août 2021 dans le grand sud nous l’a montré. Il est temps d’accompagner ce devoir de mémoire d’actions concrètes et durables, pouvant permettre au pays et aux citoyens de se préparer aux éventuelles catastrophes. Il est temps d’enseigner à nos enfants, nos familles comment se comporter dans ces situations, il est temps de repenser nos constructions. Il ne suffit pas de se souvenir de nos défunts, il faut protéger nos vivants. L’histoire ne se répète pas, elle rime.
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