Papa,
Je ne sais pas si t’auras cette lettre, mais j’espère fortement qu’elle te parvienne car j’ai plein de choses à te dire.
Je sais que je ne suis pas la meilleure des filles que tu puisses avoir, je ne suis non plus la plus sage, la plus intelligente, ni même la plus aimante, mais j’aurais tellement aimé que tu sois là à chaque fois : lors de mes premiers pas, mes premiers mots, à chaque anniversaire, chaque réveil… J’aurais aussi aimé que tu sois là pour m’épauler, me remonter le morale, sécher mes larmes et me rappeler ton amour à chaque instant. Ainsi, prononcer le mot papa aurait eu plus de sens pour moi.
Chaque matin et chaque soir, je me blâme et je me dis que c’est peut-être parce que je ne suis pas à la hauteur de porter ton nom qui est la cause de ton absence. J’ignore si t’es en vie, si t’es au pays, si tu as voyagé ou à Dieu ne plaise, si t’es mort mais, à chaque fois dans mes prières, je prie baba pour qu’il te protège et puisse permettre un jour que nos chemins se croisent et ainsi au lieu de me servir de ma plume et d’un papier je pourrai te regarder en face et tout te raconter en te touchant, en lisant tes émotions et en laissant parler mes sentiments.
J’ai toujours le cœur en liesse quand j’entend mes amis parler de leur relation avec leur père. Pas trop longtemps qu’hier, j’ai failli pleurer en sanglots lorsque Marlie m’a raconté son dernier voyage avec Monsieur Jacques. Elle nous parle sans arrêt de lui et nous dit toujours qu’elle a le meilleur papa du monde. Un père attentionné qui, même s’il n’a pas tout, fait de son mieux pour la combler. Il travaille si dur.
Si je ne me plains pas trop de ne pas vraiment comprendre ce que ça fait de voir celui qui m’a engendré tous les jours sous le même toit que moi c’est parce qu’il y a Granpa et Papi Joe. Grandpa, malgré son dur caractère et ses défauts, essaie toujours à sa façon de combler le vide que tu as laissé. Il m’aide avec mes devoirs et mes leçons, veille toujours à ce que je ne manque de rien et me dit que je suis l’un de ses plus beaux cadeaux, même s’il ne le fait pas souvent. Un jour, il m’a dit qu’il avait toujours voulu à ma mère de m’avoir eue si jeune et avec un père irresponsable. Il m’a aussi dit qu’il avait cru qu’il serait incapable de m’aimer mais le jour où il m’a vu pour la première fois et qu’il m’a tenue dans ses bras, toute sa charge de colère s’est enfuie en regardant mon visage innocent. Et dès lors il a vite compris qu’il ne pourra pas me détester et a décidé de m’appeler son rayon de soleil.
Papi Joe, quant à lui, est le père que je n’ai pas eu. Avec ma sœur Aly, je ne sens jamais de différence car il nous prouve le même amour. Chaque soir avant de m’endormir, même s’il n’est pas à la maison, il s’assure de m’appeler juste pour me dire ceci : “tu sais que t’es ma fille. Certes, je ne suis pas ton géniteur mais je te porte dans mon cœur comme je le fais pour ta petite sœur. Je t’aime, et je veux que tu le saches. T’es ma première fille, ma Mia, et ça personne ne pourra le changer”. Et à chaque fois qu’il le fait, c’est comme si c’était la première fois, j’ai les même émotions, je craque, j’ai envie de pleurer car je suis à la fois reconnaissante de l’avoir et triste puisque j’aurais tant voulu entendre ces mots venant de toi ; mais hélas !
Je dois avouer que t’es pas le seul à fuir tes responsabilités. Oh désolée ! Je voulais dire à ne pas être là. Il y a Luc, le père d’André, qui est là, mais qui est absent en même temps. Il voit son fils tous les jours, lui parle mais se fout de ses besoins. Quand on a besoin de lui, il est toujours en voyage d’affaires, mais il n’y a pas plus paresseux que lui. Il fait toujours des pertes (c’est ce qu’il dit mais tout le monde sait qu’il ne fait que vivre). C’est toujours ainsi avec lui. Oncle Paul, le vieil ami de maman qui a négligé sa fille Ruth, a essayé de renouer avec elle après 15 ans mais je dois te dire que cette dernière ne veut pas entendre parler de lui, elle l’ignore et lui a même claqué la porte au visage.
Je ne sais pas si t’es au courant ou pas, cette année j’aurai 18 ans, j’ai déjà eu mon bacc et je suis en première année de médecine. Je fais de la broderie, je joue du piano et j’aime chanter tout comme toi (d’après ce que m’a dit maman). Je fais aussi du graphisme et je souhaite un jour prendre des cours en photographie mais pour le moment je me concentre plus sur la fac car je dois faire une maîtrise en pédiatrie, j’aime beaucoup les enfants. En ce qui a trait à mon apparence physique, j’ai tes yeux, ton sourire et aussi la même marque de naissance que t’as sur ton épaule. Je fais 1m57, j’ai des cheveux noirs, comme ceux de maman, et si tu te rappelles encore d’elle, j’ai hérité de ses courbes et j’ai le teint un peu clair comme elle.
Papa, cette lettre n’est pas pour te blesser ni pour te condamner, mais pour te dire combien tu me manques et qu’il y a encore une place dans mon cœur pour toi. Je veux te voir, te parler, t’aider à te rattraper en te racontant tous les 17 années déjà écoulées et te donner la place de père que t’as laissé vide. Et je veux que tu saches que je t’aime malgré tout et j’espère que c’est réciproque.
Si tu reçois cette lettre, je te supplie de me donner signe de vie.
Ta fille Mia
Bonne fête à tous les papas du monde.
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