La société présente souvent les hommes comme ceux à qui le patriarcat est favorable mais ne fait jamais mention des lourdes responsabilités qui leur sont incombées et des exigences auxquelles ils doivent répondre. Il ne leur est pas permis d’être faible, et ce, dans tous les sens. Même s’ils ont envie de craquer, ils doivent tenir le coup “paske se gason yo ye”. Outre la charge affective qu’ils ont, ils sont surtout dans l’obligation de s’acquitter de leur fonction de protection et de leur fonction économique. Protéger, aimer, occuper (prendre soin de) ; voilà les trois plus grands verbes qu’ils sont supposés conjuguer au quotidien à l’égard des femmes pour faire valoir leur statut d’homme. Point n’est besoin de dire qu’à ces derniers, de multiples autres sont attachés.
Dans la culture haïtienne, tout comme dans tant d’autres, quand on dit que le mariage est l’affaire des dames, cela signifie tout simplement que la planification de l’événement est leur et que l’honneur ainsi que l’attention du jour seront portés en particulier sur elles. Mais en ce qui a trait aux charges, “fòk mouche a ka pwouve l, Hein !” Et cela ne concerne pas uniquement l’événement ; il doit couvrir les articles électroménagers, la maison et son entretien, les meubles, la nutrition, le loyer… ; tout ce qui est dépense dans la maison le concerne. Ce qui est aussi valable pour ceux qui sont en union libre. Se pa pou san rezon premye kesyon paran yo lè pitit fi yo di yo yo gen yon moun nan vi yo se : “ki moun li ye ? kisa l ap fè ?” Pitit yo p ap ka al nan men yon iresponsab, yon nèg ki ak kat (4) pòch a lanvè ; se t ap yon dezonè. Fin pran responsabilite pitit ou depi nan vant jiskaske l rive nan laj li ka marye epi lage l bay yon moun ki paka okipe l, se plis ke yon desepsyon jan sosyete a souvan di l e wè l la tou.
Si la gent féminine se plaint d’être victime du patriarcat, elle doit aussi admettre qu’il la protège et fait d’elle une privilégiée dans certains cas.
Avec le temps et surtout avec la réclamation de l’égalité des droits des femmes, les choses tendent à évoluer. Certains conjoints optent pour le partage des sorties liées au foyer. Mais dans la plupart des cas, la gent masculine préfère tout assurer pour la simple et unique raison que “fanm frekan” et refuse de laisser son honneur être piétiné : “m p ap kite ni fanm ni fanmi fanm betize avè m. Se gason m ye, m ap pran responsabilite m. M te konn nan kisa m te rantre kò m, m ap degaje m pou m kenbe epi asire”. Certaines filles d’Ève voient cela comme de l’égo et de la fierté démesurée.
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Si les dépenses du foyer ou du logis sont l’affaire des hommes, à qui reviennent la maison et tout ce qui s’y trouve en cas de séparation ?
Le sexe féminin est le premier à souvent s’autoproclamer propriétaire des biens : “kay la se pou mwen, mèb yo pou mwen tou”. Ce qu’il justifie par le fait qu’il a fait don de son corps, de son temps, de son attention au sexe opposé ; qu’il a passé des nuits sans sommeil à son chevet et celui des enfants ; qu’il a assuré l’éducation de sa progéniture, qu’il a pris soin du foyer et a été d’une très grande aide à son mari pendant longtemps. Ce qu’il appuie souvent de cette question : “ou panse sa yo sifi pou ranbouse m tan ak enèji m pèdi yo?”
Il reçoit également le soutien de la société : “gen bagay yon fanm dakò fè pou ou, ou dwe l tout vi w”, dit la majeure partie de celle-ci ; “se gason ki kite kay pou fanm, gason pa konn nan goumen pou byen ak fanm”. Mais on se demande si ce n’est pas un peu trop osé et égoïste. Cet homme, a-t-il toujours été inutile dans cette famille ? N’a-t-il rien fait qui puisse mériter de la reconnaissance et de la compassion ? Qui a fait l’acquisition de ces biens ? Pourquoi ne pas penser à leur répartition ?
Conscients de leur investissement dans le foyer et de leurs débours, certains mâles humains refusent de laisser à leurs épouses ou concubines et la maison et les meubles (surtout en cas d’infidélité) : “se mwen k depanse, mèb yo se pou mwen, kay la tou” et seront capables de se battre bec et ongles pour garder leur propriété. Les fameux “nèg Okay” sont ici au rendez-vous. Parfois, ils préfèrent passer leurs biens au nom de leurs enfants s’ils en ont eus avant leur séparation.
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D’un autre côté, il y a ceux qui acceptent de les partager : “sèt se mwen ki te depanse, men ou te la, ou te pran swen m e sipòte m pandan tout tan sa a, donk m pwopoze e m vle ke nou pataje byen yo”. Il y a aussi les gentilshommes, que la société préfère appeler “gason” paske se yo ki konpòte yo tankou gason qui, tout bonnement, acceptent de tout laisser à leurs conjointes. Mais aussi bizarre que cela puisse paraître, il y a des concubines qui choisissent de ne pas entrer dans cette lutte, elles s’abstiennent. Si elles en ressortent avec quelque chose, tant mieux, si le contraire s’applique, tant pis pour elles.
Pour les couples mariés, le calcul peut-être différent selon le régime matrimonial adopté :
1. Régime de la communauté légale ou communauté réduite aux acquêts :
Les biens réalisés pendant le mariage seront partagés entre les deux conjoints. C’est le régime adopté par la loi lorsque les futurs époux ne signent pas de contrat de mariage.
2. Régime de la séparation des biens :
Il est caractérisé par l’indépendance patrimoniale des époux. Chacun reste propriétaire de ses biens tout en étant marié.
3. Régime de la communauté universelle :
Tous les biens, présents et à venir, possédés par les époux sont mis en commun, qu’ils soient acquis avant ou après le mariage, peu importe leur origine (achat, donation, etc.) et la façon dont ils ont été financés.
4. Régime Dotal
Il y aussi un régime très courant en Afrique qui est le régime dotal qui sépare les biens dotaux (biens offerts pour la jouissance du mariage) de ceux du mari.
Des accotés peuvent choisir d’adopter un contrat ou définir une entente semblable à un de ces régimes dans leur foyer pour éviter les palabres et différends de la rupture mais ça reste en dehors du cadre légal. Et d’ailleurs, certains le font.
Le phénomène du “mèb yo se pou mwen, kay la tou” reste jusqu’à présent l’affaire des femmes. Soutenues de la société et protégées du mouvement féministe, elles prennent chaque jour plus de force et sont dans ce cas, des privilégiées du système qu’elles tendent souvent à dénoncer. Comme le dit ce proverbe, à quelque chose malheur est bon ; si la lignée d’Ève est contre le système patriarcal voudra-t-elle garder les côtés qui lui sont avantageux ? Si oui, comment va-t-elle faire pour y parvenir ?
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