Société

Le vèvè

Vèvè Erzulie Freda

Le folklore haitien est désigné par l’ensemble des arts et traditions populaires (croyances, contes, cultes, danses) du pays qui se transmettent d’une génération à l’autre par voie orale ou par imitation. Il définit la racine et l’essence du patrimoine socio-culturel de la patrie. Quoique les deux se distinguent, il est étroitement attaché à la religion vaudoue.

Le vaudou, connu comme étant la religion ancestrale d’Haïti est une forme de syncrétisme (mélange de plusieurs éléments empruntés à d’autres religions) basé sur le vaudou ouest-africain. Il est lié à de nombreuses pratiques et rituels traduisant son originalité et son authenticité. Le traçage de Vèvè est l’un de ses éléments caractéristiques.

C’est quoi un vèvè ?

Un vèvè est une figure géométrique sacrée, un anagramme rituel, une représentation graphique des différents esprits du monde vaudou communément appelés loas “lwa” ou invisibles sa n pa wè yo”. Il associe le naturel au surnaturel et structure l’espace et le temps.

À chaque esprit, son image emblématique.

Histoire et patrimoine

Le vèvè, parfois appelé vévé est classé parmi les héritages de l’époque coloniale de Saint-Domingue.

Le Vaudou est connu comme étant la première forme de résistance des asservis à l’esclavage. Au lieu de se soumettre à la religion de la France colonisatrice qui leur prêchait la résignation et cherchait à leur faire comprendre que c’était leur destin qui s’accomplissait; il se sont tournés vers les esprits de la mère nourricière, l’Afrique pour exprimer leurs croyances, leurs peines (quoiqu’on y trouve des traces du catholicisme). Et c’est cette religion qui, plus tard, allait contribuer à mettre fin à la servitude. Certes, le vaudou est Africain mais le vèvè dans sa composition laisse voir des traces des Taïnos, des cultures égyptienne, asiatique, européenne et des éléments de la civilisation primitive de sumer (région de la basse mésopotamie, sur le golfe persique). Il est plutôt éclectique.

En hommage aux tribus de l’Afrique, les 101 loas du vaudou haïtien sont regroupés en 21 nations ou tribus que l’on appelle parfois “nanchon“. Avant chaque rituel l’invisible que l’on veut invoquer ou honorer est représenté par un vèvè.

Tracer vèvè ou tracer cérémonie

Ces figures emblématiques des divinités du monde mystique sont généralement tracées par un houngan ou un mambo, le maître de cérémonie ou un hounsi (wonsi), un adepte ou un initié du vodou. Savoir tracer ces dessins reste un don sacré mais peut aussi s’apprendre.

Comment sont-ils tracés ?

Dans les temples vaudous ou péristyles, il y a un pilier qui est placé en son centre qu’on appelle “poto mitan“. Il sert de lieu de passage aux esprits. Autour de ce poteau, celui ou celle qui est habilité (e) vient et reproduit l’anagramme qui correspond à même le sol. Pour aller plus vite, il arrive que plusieurs personnes le fassent ensemble. On retrouve souvent des vèvès sous les tambours utilisés dans les cérémonies.

Lorsque plusieurs esprits seront invités, pour gérer son temps ou plutôt par choix, on fait le dessin d’un vèvè unique appelé milokan qui est le symbole de la réunion de divers systèmes de croyance ancestraux africains avec la reconnaissance et le respect de leurs différences.

Selon la divinité que l’on veut représenter, ils sont faits avec différentes substances pulvérisables telles que de la cendre ou farin ginen, de la poudre de talc, de la farine de blé (farin frans), de la farine de maïs, du gingembre ou du café en poudre, etc.

Pour obtenir la figure désirée, le dessinateur laisse filer entre ses doigts (le pouce, l’index et le majeur) la substance utilisée, avec une bonne maîtrise des mouvements, afin d’obtenir les lignes appropriées. Pour mettre fin au chef-d’œuvre, il y dessine des kwa siyen, dépose ensuite des bougies, des boissons et de la nourriture. Il arrive aussi que parfois, on ne trace qu’une seule croix appelée croix signée (kwa siyen), c’est le vèvè dans sa forme la plus simple.

Il est toujours recommandé d’avoir les pieds nus lors de la reproduction de ces images de façon à ce que la personne puisse y mettre son énergie et que la connexion soit faite de façon plus rapide.

Certains vodouisants pour se protéger des mauvais sorts, schématise une kwa siyen sous le seuil de leur porte.

Composition et interprétation

Ces graphiques rituels sont à la fois simples et complexes. Ils reflètent la cosmogonie et les règlements du vodou et illustrent le microcosme humain.

Ils sont composés de plusieurs symboles, de signes, ayant chacun une interprétation mythologique suivant la divinité et de diverses formes géométriques : carré, rectangle, losange, cercle. On y retrouve particulièrement des formes incurvées, des terminaisons en spirales ou à double courbes (cornes de bélier), des cardioïdes, des étoiles et des croix.

Ils peuvent être interprétés en fonction des symboles qui les constituent. Par exemple :

  1. Le vèvè d’Agwe (patron des pêcheurs) contient un bâteau ;
  2. Celui d’Erzulie (divinité de l’amour) est un cœur, parfois percé d’une épée ;
  3. La représentation de Baron Samedi (esprit de la mort) est une croix sur un autel ou une tombe, souvent entourée de deux cercueils.

Certains vèvè ne contiennent cependant pas de symbole facilitant leur interprétation ; leur reconnaissance vient avec l’habitude et ou peut-être par révélation.

Le Vèvè a une portée universelle. Il synthétise les forces de l’univers, reprend les émotions de l’homme et par les invisibles qu’il représente, touche les différentes sphères de la vie. Outre son côté sacré et mystique, il a un côté artistique. Ses images sont souvent reprises et présentées sur des bijoux, des tableaux, sur du fer et d’autres supports.

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