Le drapeau haïtien : un cri de liberté cousu dans l’histoire

Le drapeau haïtien : un cri de liberté cousu dans l’histoire

Le 18 mai n’est pas une simple fête nationale. C’est une mémoire en marche, un flambeau porté par les vivants pour honorer les morts. Une promesse collective que la liberté conquise au prix du sang ne sera jamais trahie.

Il est des symboles qui dépassent les frontières, les régimes et les siècles. Le drapeau haïtien est de ceux-là. Né dans le tumulte d’une révolution unique au monde, il n’a pas été imposé par décret, ni brodé dans les salons du pouvoir, il a été cousu dans la poussière de l’Arcahaie, à la veille de la liberté, par une nation en armes, un peuple en marche. Le 18 mai 1803, Jean-Jacques Dessalines déchire le drapeau tricolore français, retire la bande blanche, celle des colons et unit le bleu des Noirs et le rouge des Mulâtres. Catherine Flon, sa nièce, coud ensemble les deux bandes. Naît alors un drapeau, mais surtout un message : Haïti sera libre, unie, souveraine.

Pour saisir la portée de ce geste, il faut revenir à la matrice coloniale. L’île, baptisée Hispaniola par Christophe Colomb en 1492, fut rapidement réduite en l’un des plus violents foyers esclavagistes du monde. Saint-Domingue, “perle des Antilles”, brillait par les chaînes qui la soutenaient. Plus de 500 000 Africains y furent exploités. Mais l’étincelle de la Révolution française, en 1789, traversa l’Atlantique. Et en 1791, à Bois-Caïman, les esclaves en révolte firent trembler l’ordre colonial.

De 1791 à 1804, l’histoire s’écrit en lettres de feu : insurrection, abolition, guerre contre Napoléon, mort de Louverture, et victoire de Vertières. Le 1er janvier 1804, Dessalines proclame l’indépendance. Haïti devient la première république noire libre du monde. Et son drapeau devient l’étendard d’une humanité debout.

Mais ce drapeau a lui aussi traversé les tumultes. En 1805, Dessalines adopte le noir et rouge. Après sa mort, le pays se divise : le Nord garde ce drapeau, le Sud revient au bleu et rouge. Ce dernier deviendra symbole officiel en 1820 avec la réunification. Ajout du blason en 1843, noir et rouge sous Duvalier, retour au bleu et rouge après 1986 : chaque mutation reflète les tensions de l’histoire haïtienne.

Aujourd’hui encore, le drapeau haïtien est bien plus qu’un symbole, c’est un testament. Il incarne l’union dans la diversité, la souveraineté durement acquise, la lutte contre toutes les formes d’oppression. Il parle aux Haïtiens, mais aussi à tous les peuples qui refusent de plier face à l’injustice.

Porter ce drapeau, ce n’est pas seulement revêtir des couleurs. C’est porter l’histoire sur ses épaules. C’est se souvenir que notre liberté n’est pas un legs tranquille, mais un acte arraché aux ténèbres. C’est comprendre que l’héritage de nos ancêtres est une responsabilité. Alors, en ce 18 mai 2025, souvenons-nous que notre drapeau est notre voix. Car il nous rappelle que tant que nous serons debout, unis, et fiers, Haïti vivra, debout, libre et digne.

Nidger F. Judson PAUL

Assistant DG de Bèlide magazine Rédacteur en chef

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