
BAYO à Montréal : entre performance artistique et affirmation diasporique

Le 22 août 2025, Montréal a accueilli l’une des plus grandes célébrations de la musique haïtienne et caribéenne : BAYO, projet emblématique du producteur et DJ Michaël Brun. Plus qu’un simple concert, l’événement s’est affirmé comme un espace de réaffirmation diasporique, où musique, mémoire et identité collective se sont entremêlées dans une performance transnationale.
La tenue de BAYO à Montréal, au Parc Jean-Drapeau, inscrit la musique haïtienne et caribéenne dans une géographie mondiale des diasporas. Comme le soutient Paul Gilroy dans The Black Atlantic (1993), les musiques issues des diasporas noires ne sont pas de simples divertissements, elles constituent des pratiques politiques et identitaires, porteuses de mémoire et de résistance. Le concert BAYO, rassemblant plus de 10 000 spectateurs, a matérialisé cette dynamique en transformant un espace montréalais en lieu symbolique de convergence culturelle et diasporique.
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La programmation de BAYO reflétait une hybridité artistique assumée. Aux côtés de Michaël Brun, se sont produits Anie Alerte, Jessie Woo, Trouble Boy, Maureen, J. Perry, mais aussi Apachidiz, Tjo Zenny, Paska et BIC, accompagnés de DJs tels que Manito Nation et Micha Bernier. Cette pluralité, entre musiques traditionnelles (compas, rara), sonorités urbaines (rap, trap, afrobeat) et textures électroniques, rejoint l’idée d’« identités plurielles » développée par Stuart Hall (1990), où les diasporas réinventent en permanence leurs expressions culturelles. BAYO agit ainsi comme une scène de co-présence artistique et identitaire, ouverte à la diversité des formes musicales haïtiennes et caribéennes.
Au-delà des prestations individuelles, c’est l’ambiance globale qui a marqué les esprits. Le déploiement de drapeaux haïtiens, jamaïcains, trinidadiens et africains, les chants collectifs et la ferveur des spectateurs confirment la lecture du concert comme une performance communautaire. Ici, la musique devient un médium de mémoire et de fierté diasporique. L’appel « Bayo ! Bayo ! » scandé par la foule relève d’un rituel collectif qui rappelle les fêtes de rara en Haïti, tout en s’inscrivant dans le contexte urbain montréalais. Cette dynamique illustre la thèse de Benedict Anderson sur les « communautés imaginées » : le concert devient un lieu où la diaspora s’imagine comme un corps collectif, relié au-delà des frontières nationales.
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L’impact de BAYO se mesure en termes de retombées pluridimensionnelles. L’événement consolide la place des musiques haïtiennes et caribéennes dans le champ artistique nord-américain. Il renforce la cohésion entre générations, offrant aux jeunes issus de l’immigration un espace de reconnaissance identitaire. De plus, il agit comme un contre-discours, réaffirmant la valeur des cultures minoritaires face à l’hégémonie occidentale dominante. À ce titre, BAYO s’inscrit dans une dynamique où la musique est non seulement art, mais aussi revendication de légitimité et d’égalité culturelle.
En définitive, le BAYO de Montréal 2025 a constitué un laboratoire diasporique, où se croisent mémoires, identités et pratiques culturelles. En réunissant artistes et publics dans une même performance, Michaël Brun a offert à Montréal une expérience transnationale qui dépasse les frontières esthétiques. Ce type d’événement, à la croisée de la musique et des sciences sociales, démontre que les pratiques artistiques de la diaspora ne sont pas périphériques mais sont centrales dans la redéfinition contemporaine de l’espace culturel mondial.