
Remus, âgé de 5 mois, pèse actuellement 36 kg et devrait atteindre 68 kg à l’âge adulte | Andrew Zuckerman – Courtesy Colossal Biosciences
“Le Loup Géant Ressuscité, à quel prix ?” : ce que révèle la science
La récente annonce de Colossal Biosciences concernant la naissance de trois louveteaux génétiquement modifiés, nommés Romulus, Remus et Khaleesi, a ravivé l’intérêt pour la désextinction et suscité des débats sur les implications éthiques et scientifiques de telles initiatives. Ces louveteaux présentent des caractéristiques physiques et comportementales similaires à celles du loup géant (Canis dirus), une espèce disparue il y a environ 10 000 ans. Cependant, il est essentiel de noter que ces animaux ne sont pas de véritables loups géants, mais plutôt des loups gris (Canis lupus) dont le génome a été modifié pour exprimer certains traits spécifiques du loup géant.
Processus de création des louveteaux
Le projet de Colossal Biosciences s’est appuyé sur l’analyse de deux fossiles de Canis dirus : une dent vieille de 13 000 ans et un crâne datant de 72 000 ans. Ces échantillons ont permis de reconstituer partiellement le génome de l’espèce disparue. En comparant ce génome avec celui de canidés actuels, les chercheurs ont identifié quatorze gènes présentant vingt mutations associées aux traits spécifiques du loup géant, tels qu’une grande taille, un pelage dense et des dents hypertrophiées. Ces mutations ont été introduites dans des cellules de loups gris modernes grâce à la technologie CRISPR-Cas9. Les noyaux modifiés ont ensuite été transférés dans des ovules énucléés de loups gris, fécondés et cultivés jusqu’au stade embryonnaire. Trois embryons viables ont été implantés avec succès dans des chiennes porteuses, donnant naissance à Romulus et Remus en octobre 2024, et à Khaleesi en janvier 2025.
Réactions et débats scientifiques
Cette initiative a suscité des réactions mitigées au sein de la communauté scientifique. Certains experts saluent les avancées technologiques réalisées, tandis que d’autres expriment des réserves quant aux implications éthiques et écologiques. Julie Meachen, professeure d’anatomie à l’Université de Des Moines, qui a contribué à fournir des échantillons d’ADN anciens pour le projet, souligne que les animaux créés sont des loups gris génétiquement modifiés plutôt que de véritables loups géants. Elle reconnaît néanmoins le potentiel de ces technologies pour la conservation des espèces en danger.
D’autres critiques estiment que ces efforts, bien que technologiquement impressionnants, pourraient détourner l’attention et les ressources des initiatives de conservation traditionnelles. Ils soulignent également les risques éthiques liés à la souffrance potentielle des mères porteuses et des animaux clonés, ainsi que les dangers d’introduire des espèces génétiquement modifiées dans des écosystèmes existants.
TIME’s new cover: The dire wolf is back after over 10,000 years. Here’s what that means for other extinct species https://t.co/LQtosdfiEf pic.twitter.com/bv8EbeefuW
— TIME (@TIME) April 7, 2025
Perspectives et projets futurs
Colossal Biosciences envisage d’appliquer des techniques similaires pour ressusciter d’autres espèces disparues, telles que le mammouth laineux et le tigre de Tasmanie (thylacine). L’entreprise a récemment levé 200 millions de dollars lors d’un tour de financement, portant sa valorisation à 10 milliards de dollars. Ces fonds devraient permettre de poursuivre le développement de technologies de génie génétique et d’étendre la liste des espèces ciblées pour la désextinction.
Cependant, la communauté scientifique reste divisée sur la pertinence et les conséquences potentielles de telles entreprises. Si certains y voient une opportunité de réparer les dommages causés par l’homme à la biodiversité, d’autres craignent que ces projets ne détournent l’attention des efforts de conservation des espèces actuellement menacées et ne créent des déséquilibres écologiques imprévus.