Si aujourd’hui la musique haïtienne est reconnue dans le monde entier, c’est grâce à la contribution de nombreux artistes qui ont marqué leur temps. Nous ne comptons plus les étoiles qui ont su imposer leurs styles en combinant talent et génie. Le milieu du vingtième siècle a vu éclore l’une des figures féminines les plus incontournables de la musique haïtienne, on parle bien sûr de Lumane Casimir.
Née aux Gonaïves le 14 octobre 1922, la jeune chanteuse quitte sa ville natale à seulement 14 ans pour rallier la capitale du pays. Elle débarque à Port-au-Prince sans même avoir bouclé ses études classiques, et pourtant cela ne l’empêchera pas d’attirer l’attention avec ses talents de chanteuse et de guitariste. C’est aux Champ de Mars qu’elle se fait d’abord remarquer à travers ses concerts de rue improvisés. Sa voix et sa guitare lui suffisent pour captiver les passants, qui ne cessent de s’attrouper devant elle à chaque occasion. La foule qui grandit au fil des concerts va l’amener à faire la rencontre du peintre Alix Roy. Pour ce dernier le constat est clair, il vient de découvrir un talent brut.
Par la suite, Lumane Casimir sera présentée à la tante du peintre, Lina Mathon Blanchet. Elle sera immédiatement intégrée à la Troupe de Lina. Une fois que les portes de la scène musicale haïtienne lui sont grandes ouvertes, elle va continuer à gravir les échelons. Georges Corvington raconte que cette ascension débute au Bas Peu de Chose – plus précisément à la rue Lafleur Ducheine – quand le Trio Astoria avait l’habitude de se produire chez Mme Ludovic Boucard. Dirigé par Jacques Nelson, ce trio faisait des ravages. Avec les pincements de sa guitare et son timbre vocal unique, Lumane faisait plaisir aux tympans de la maîtresse des lieux et des passants qui s’entassaient devant la maison rien que pour l’écouter chanter. Entretemps, elle a pu intégrer l’un des groupes les plus emblématiques des années 40 et 50, nommé le Jazz des Jeunes. Sa carrière va prendre de l’ampleur avec l’inauguration de la ville de Belladère en 1948. Ces festivités représentent l’occasion idéale pour permettre à Lumane de se faire un nom sur la scène nationale. Et on peut dire qu’elle n’a pas raté cette opportunité. Aux côtés du maître tambourineur dénommé Ti Roro, la première haïtienne guitariste livre une performance d’anthologie. Devenue prophète en son pays à cause de ce succès, elle ne va pas en rester là.
La consécration internationale de Lumane Casimir
Avec la célébration du bicentenaire de la ville de Port-au-Prince en 1949, Haïti allait devenir le centre d’attention du monde entier. Pour réussir cette exposition internationale où le gratin du secteur culturel mondial serait présent, il fallait marquer les esprits. Vous l’aurez deviné, Lumane Casimir y a fait un véritable carnage. Avec les tubes Papa gede bèl gason, Caroline Acaau et Panama m tonbe, elle a su conquérir le cœur du public. Ces chansons folkloriques lui ont valu un succès monstre en dehors des frontières nationales. En plus de ses titres, Lumane possède d’autres chansons qui continuent à perpétuer son héritage musical. On pense à Tambou frape, cout sèl et au fameux Yoyo.
Déclin et tragique disparition
Tout au long de son fulgurant mais court succès, Lumane Casimir buvait beaucoup, ce qui accentua un manque à gagner qui lui posait beaucoup de problèmes. L’histoire de la musique haïtienne connaît malheureusement bon nombre de légendes qui n’ont pas pu vivre de leur art de manière décente ; elle en fait partie. C’est dans la plus grande misère que Lumane fut terrassée par un tuberculose à l’âge de 34 ans, en 1956. La paysanne à la voix d’or s’est éteinte, mais ses œuvres ont continué à inspirer plusieurs générations d’artistes. En 1978, Carole Demesmin lui rend un hommage mérité à travers une chanson qui porte son nom : Lumane Casimir.
De nos jours, 67 ans après sa disparition, cette icône de la musique haïtienne continue de vivre à travers ses chansons sans cesse reprises par d’autres artistes. À chaque fois que nous avons le privilège de l’écouter, la voix bouleversante de Lumane Casimir nous rappelle que ces héros qui ont égayé nos quotidiens et qui ont fait rayonner le bicolore national à la face du monde sont immortels.
Eske w te konn Lumane Casimir se te premye fanm gitaris an Ayiti? Kite nou rakonte w ti moso listwa sou fanm sa a ki rete yon ikon nan mond mizik ayisyen an! #chokarella pic.twitter.com/KcjCWCu8as
— Chokarella (@chokarella) March 30, 2023
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