Quand les deepfakes s’invitent dans le paysage haïtien

Depuis quelques jours, une page TikTok attire l’attention de beaucoup d’internautes haïtiens : Electrique Z00 (username : @_promo_tiktok1). En surface, la page semble proposer des vidéos humoristiques ou insolites, même à caractères sexuels. Mais à y regarder de plus près, son contenu soulève une question troublante : l’utilisation de technologies de “deepfake” pour insérer le visage de figures publiques haïtiennes dans des scénarios fictifs et souvent controversés.

Oui ! Concrètement, sur Electrique Z00, on peut voir des personnalités locales, artistes, influenceurs… détournées de leur contexte pour devenir les personnages d’histoires inventées. Par exemple, les chanteuse Rutshelle Guillaume et Vanessa Désiré se retrouvent dans une mise en scène à exprimer leurs envies sexuels, ou même Séphora Drouillard, célèbre jeune entrepreneure haïtienne connue, qui se retrouve elle aussi dans une mise en scène à parler de ses envie sexuelles. Le fort pourcentage réalisme de ces vidéos laisse souvent le public hésitant entre fascination et malaise.

@_promo_tiktok1

L’objectif revendiqué ? Faire rire, divertir et “créer du buzz”… Peut-être. Mais derrière ces vidéos se cache une problématique bien plus sérieuse : la banalisation des deepfakes.

Deepfake : technologie puissante, conséquences réelles

Les deepfakes sont des vidéos créées à l’aide de l’intelligence artificielle (IA), capables de reproduire le visage, la voix ou les gestes de quelqu’un avec une précision de plus en plus troublante. À l’origine réservée aux laboratoires de recherche, cette technologie est aujourd’hui accessible à presque tout le monde, souvent gratuitement via des applications mobiles ou des plateformes en ligne.

Le cas d’Electrique Z00 en Haïti montre bien à quel point cette technologie est en train de sortir du contrôle des experts pour entrer dans la sphère grand public. N’importe qui, avec un smartphone et quelques photos, peut désormais créer une illusion convaincante.

L’intelligence artificielle sans garde-fous : vers une ère de confusion ?

L’essor fulgurant de l’IA, notamment dans des pays où la régulation numérique est encore faible, pose une véritable menace pour la vérité, la vie privée et la réputation des individus.

En Haïti, où les informations circulent vite et où les débats en ligne peuvent devenir houleux, un simple deepfake mal interprété peut provoquer des rumeurs destructrices, des atteintes à la réputation, voire des conflits sociaux.

De plus, le public n’est pas toujours préparé à distinguer le réel du faux. Beaucoup de vidéos d’Electrique Z00 sont partagées comme s’il s’agissait de faits authentiques. Ce flou alimente une forme de désinformation par le divertissement.

Vers une prise de conscience collective ?

Beaucoup d’internautes s’inquiètent : « Et si demain, on utilisait ces mêmes outils pour manipuler des événements importants ou même crucials, salir l’image d’une personne ou propager une fausse accusation ? » La frontière est très mince entre l’humour et la manipulation.

Il devient urgent que la société haïtienne, médias, institutions, citoyens entame une réflexion sur l’usage éthique de l’IA et des contenus numériques. Cela passe par l’éducation aux médias, la régulation des contenus, et surtout, la responsabilisation des créateurs.

Electrique Z00 est peut-être l’un des premiers exemples visibles en Haïti de l’usage ludique des deepfakes, mais il ne sera certainement pas le dernier. Il incarne à la fois l’innovation, la créativité, et le danger potentiel d’une technologie qui évolue plus vite que notre capacité à la contrôler. Dans ce nouveau monde numérique, la vigilance ne doit pas être un luxe, mais une nécessité.

Oggi Regis

Fondateur & PDG de Bèlide Magazine | Brand Designer

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