Dire à un haïtien que l’on porte un bébé et que l’on veut faire de la danse, serait comme l’annoncer notre mort ou celle de l’enfant que l’on porte. Mais Karen a osé briser la règle…
Dans de nombreuses cultures, surtout les cultures afro et un peu plus précisément en Haïti, lorsqu’une femme tombe enceinte, elle est en proie à de nombreuses restrictions. Elle doit s’attendre à ce que son train de vie change durant ses neuf (9) mois de grossesse, et certaines fois, même si elle ne le désire pas, la société la conditionne pour qu’elle l’accepte. Outre les limites et privations, il y a aussi les symptômes qui peuvent parfois l’accompagner. Ce qui fait que le plus souvent, dès que la femme prend connaissance de sa gravidité elle se dit déjà dans sa tête qu’elle aura des nausées, des vomissements, des envies de cracher incessantes… et commence déjà par dire adieu aux talons, au sport, aux activités qui peuvent mettre en danger l’embryon ou le foetus (comme ils aiment le dire). Cependant, on retrouve des futures mamans qui font l’exception. C’est comme si elles se disaient : “je suis enceinte mais je ne suis pas handicapée, je porte une autre vie en moi mais je ne suis pas alitée et je ne le serai pas, je vais vivre ma vie comme il se doit”. Parmi ces femmes se trouve la danseuse Karen qui n’a pas stoppé sa carrière de danseuse lorsqu’elle portait son enfant.
Karen et la danse
Si pour certains leur expérience avec la danse a été le fruit d’un coup de cœur, pour Karen, c’est un don, un talent inné. Son premier souvenir remonte à la maternelle. Elle confirme qu’à cette époque, la danse était sa tasse de thé. Pour l’illustrer, elle nous raconte une petite anecdote: lorsqu’elle devait quitter la section kindergarten, elle faisait partie d’ une troupe de danse devant performer dans sa cérémonie de graduation. Le jour-J, lors de la prestation, elle est tombée et a assuré comme une professionnelle. Au lieu de rester au sol ou de se laisser intimider, la petite qu’elle était a transformé sa chute en un mouvement de la chorégraphie. Et c’est surtout ce qui a porté sa mère à l’encourager à tenir la main de la danse. Elle était la vedette à chaque fête, chaque réunion de famille.
Son parcours n’était pas sans obstacles. À l’âge de 16 ans, son père a voulu qu’elle tourne dos à cet art mais abandonner n’était nulle part écrit dans son agenda. Elle n’arrêtait pas de faire le mur pour poursuivre sa passion et c’est à cette époque qu’elle a commencé à être vue et considérée comme danseuse professionnelle (elle donnait des performances payantes).
La danse et la grossesse de Karen
Dans la culture haïtienne, être en pleine ceinture sous-entend faire preuve de prudence et de se comporter comme on traite un œuf brisé. Dire à un haïtien que l’on porte un bébé et que l’on veut faire de la danse, serait comme l’annoncer notre mort ou celle de l’enfant que l’on porte. Mais Karen a osé briser la règle, elle a démenti les on dit et a défié la tradition. On l’a vue dans plusieurs vidéoclips, bougeant avec beaucoup d’agilité.
Sa motivation
BM : On vous voit danser avec une grossesse dans plusieurs vidéoclips. Vous auriez pu tout stopper, pourquoi avoir continué ? Quelle a été votre source de motivation ?
Karen : Contrairement à un grand nombre de femmes qui souffrent de malaise, qui ne peuvent pas faire ci ou ça, j’ai eu la chance d’avoir eu une grossesse sans difficultés ni complications. C’est une grande chance et j’en ai profité. J’ai donné naissance à une vie, je l’ai portée en moi. Beaucoup de femmes n’ont pas cette chance. J’en suis reconnaissante et j’en fait une motivation.
Son entourage face à son choix
Karen a été bénie et chanceuse d’avoir obtenu le soutien de son entourage : “j’ai trouvé de nombreux commentaires, plus positifs que négatifs. Je n’ai pas trop eu à être sur la défensive. Mon entourage me supportait à 200%”.
Sur sa route, elle a rencontré des gens qui la soutenaient totalement, d’autres qui faisaient l’équilibre en la conseillant de ne pas faire trop d’excès, d’écouter son corps, etc. et aussi ceux qui semblaient lui dicter la bonne conduite à adopter.
Face aux remarques négatives, elle a gardé la tête haute et s’est surpassée.
Son conseil pour les futures mamans ?
“Ne laissez pas les gens qui ne sont pas médecins vous dicter comment vivre votre grossesse. Bien sûr, vous pouvez prendre un conseil mais ne le laissez pas vous empêcher de profiter pleinement de vos capacités. Une grossesse n’est qu’une autre étape de la vie de femme, embrassez-la pleinement. N’arrêtez surtout pas de vous aimer, car les changements peuvent être brutaux et les commentaires aussi. Vous pourrez vous sentir bizarre car vous franchissez une nouvelle étape et il vous faudra vous adapter”.
La mère danseuse est une de ces femmes qui ne voient pas en la grossesse un poids ou un handicap. Elle l’a embrassée et l’a traversée sans difficultés ni aucun sentiment d’inconfort et dans son corps et avec ce qu’elle fait. Comme elle nous l’a confié, il faut s’attendre à une Karen en feu et en une meilleure version lorsqu’elle reprendra la scène. Avec son staff, elle a déjà mis sur pied des projets qui sortiront de l’eau après les premiers mois de sa vie de maman.
Karen est une battante, un soldat, un modèle d’alliage de passion, de détermination et d’audace.
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