Société

Une journée pas comme les autres

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C’était un lundi, le premier jour d’un mois de mai. Ce matin-là, je me suis réveillée au chant du coq. Après avoir dit ma prière, j’ai ouvert la fenêtre de ma chambre ; voyant la beauté de l’aube, j’ai décidé de sortir pour admirer et jouir de cette magie naturelle. Appuyée sur la balustrade du balcon de la maison, bercée par un doux vent, je vois paraître à l’horizon la toute première lueur du soleil. Une bonne odeur de café caressant mon nez, dans la cour d’à côté, je vois Madan Jak assise sur sa petite chaise, chodyè l sou twa wòch dife, kiyè nan men l, l ap griye kafe. M pa bezwen di w jis kote imajinasyon m rive, m gentan goute kafe a san l poko pile.

Non loin, j’entend des bruits de pas d’une douzaine d’hommes environ refoulant le sol. Djakout sou zepòl, chapo nan tèt, sa ki pote rach, sa ki kenbe rato ak sa ki gen manchèt nan men ; ils marchaient de façon décidée et chantaient en chœur une chanson de motivation dont les paroles étaient : “jounen an fenk tanmen, nou pare, nou pa pre pou fatige, latè n pral raboure, pa gen kanpe, se moun ki travay ki manje”. Je me suis retournée vers la mer pour contempler ce beau tableau, mes yeux sont tombés sur deux silhouettes d’hommes avançant leur barque sur l’eau, on dirait qu’ils s’apprêtaient pour aller pêcher. Sous un cocotier, comme à l’accoutumé, Ton Sam et Bòs Lifèt sont assis tressant leurs filets car c’est leur principale source de revenus.

Le soleil commençait à se lever, il était déjà 7 heures, je devais prendre ma douche. Sourire aux lèvres, satisfaite du plaisir que je me suis donné au petit jour, je suis rentrée prendre un bain et je me suis préparée pour sortir. Étant donné que c’était un jour férié, j’ai décidé de ne rien planifier pour la journée, j’ai préféré laisser la nature me guider et me surprendre. Sandal tana nan pye m, wòb karabela m sou mwen, de (2) ran ti kouri nan tèt mwen, mwen santi m twò bwòdè pou jounen an. Après avoir pris une tasse de thé au gingembre, j’ai salué la famille, laissant le seuil de la porte, j’ai mis mes lunettes et j’ai dit : “A nou de bèl jounen”.

Ma première rencontre a été avec mant Dalila. Kivèt sou tèt, l ap rele : “ze bouyi, fig mi, pen bere, stach (pistach) griye”, je l’ai saluée puis j’ai continué mon chemin. En avançant, j’ai entendu un son de cloche, c’est celui de Bòs Titon, le cireur de bottes alertant son passage. J’ai fait un stop chez mamie Foufoune pour me régaler dans son petit restaurant. Après cela, j’ai fait un saut au Lakou de Ton Jean afin de voir comment avançait la combite. Arrivée là-bas, j’ai vu manzè Lana, mant Òlga et grann Amede servir du café aux travailleurs nan kèk gòdèt emaye. Certains ont préféré l’accompagner de Wayal (kasav ak manba) et les autres ont choisi du pen ak manba. Pendant qu’une partie mangeait, une autre labourait la terre en faisant des mouvements uniformes et en chantant. Et d’un autre côté, Madan Jean et deux autres dames étaient en train de préparer un Bonm Tchaka. J’ai été tentée, j’ai failli mettre la main à la pâte car cela faisait longtemps que je n’avais pas goûté un bon Tchaka. Après avoir salué tout le monde, j’ai repris ma route.

En traversant le pont kat (4) chemen, j’ai croisé mant Mari, panyen sou tèt li plen ak legim, tenant la main de sa petite fille Ti Lala qui portait une petite chaise, elles se rendaient au marché. À quelques mètres, je vois venir le troupeau de bœufs de bòs Andre, fouet en main, il avance en criant : “Men michan”.

Il était déjà presque 14 heures lorsque j’ai décidé de rentrer chez moi. Toujours en marchant, enthousiaste et satisfaite de ma journée, je fredonnais un chant dont les paroles m’échappent. En passant devant la maison du Docteur Paul, je l’ai vu s’empresser pour se rendre à sa clinique, probablement il y avait une urgence. Sa femme, une professeure en classe de maternelle, lui courait après pour lui apporter son téléphone : “Paul, Paul, cheri ou bliye telefòn ou”. Dans la même cour, l’Ingénieur Henry était assis dans son fauteuil, dégustant une noix de coco en compagnie de sa femme Claudette qui pédalait sa machine à coudre.

Presque arrivée chez moi, devant l’école de Madame Jules, j’ai entendu un son et j’ai vu l’affiche d’une foire gastronomique. J’ai alors abandonné l’idée de rentrer sur-le-champ ; il faut quand même que je vous avoue qu’il était déjà presque 16 heures. Sur la cour, j’ai vu de nombreuses installations, les unes différentes des autres, exposant des produits différents. Ce qui a surtout retenu mon attention et qui m’a vraiment plu, c’est que chacune d’elles représentait une région du pays. Mes deux préférées étaient celles de Jérémie et de l’Artibonite. Je m’y suis bien régalée et je suis rentrée chez moi vers les 18 heures avec ce message de la responsable culturelle de la dite école qui stipulait ce qui suit : “N’oubliez jamais ceci : l’agriculture est la base de la culture. Sous la terre, il y a et aura toujours plein de trésors. Notre plus grande force se trouve en elle ; on est puisé d’elle et c’est encore elle qui nous nourrit. Plantez, labourez, exploitez au max ce sol, il est nôtre. Et surtout, peu importe ce que vous faites dans la vie, que vous soyez Ingénieur, femme sage, commerçant, cireur de bottes, professeur, agriculteur, éleveur, artisan… quel que soit le titre que vous portez ou le travail que vous faites, soyez en fier car aucun métier n’est sot. Travaillez tant que vous pouvez car qui ne laboure quand il peut, ne laboure pas quand il veut”.

C’était l’une des plus belles journées de ma vie. J’ai fait de belles rencontres et je garde en tête chaque visage ayant croisé mon chemin. Chaque recoin où j’ai mis les pieds reste un tableau que j’expose dans la galerie de mon esprit.

Bonne fête de l’agriculture et du travail à vous tous !!!

Travail-BM

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