Education sexuelleSantéSociété

“Tate tifi”, les menaces qui y planent

Dans certaines cultures, parler de virginité c’est parler d’honneur, de pureté et de chasteté. C’est un enjeu qui touche particulièrement le sexe féminin. La faute à sa sensibilité et à sa fécondabilité. Dans ces sociétés, il est fait exigence aux filles et aux femmes de pratiquer l’abstinence jusqu’au mariage. Ce qui, non seulement, a une portée sociale, mais aussi une portée religieuse ; et certaines fois est associé à une question économique dans les pays qui font la vente des vierges comme esclaves ou qui font le paiement de dot. Tant que la future épouse est pure, les chances pour que l’apport d’union soit plus grand sont énormes. Elle est aussi parfois utilisée comme critère de marginalisation ou de discrimination.

Les parents eux, surtout les mamans, pour gagner l’oscar des meilleurs parents, usent de différentes techniques pour essayer de garder et de contrôler la pureté de leurs progénitures féminines jusqu’à leur nuit de noces. L’option “Tate tifi” ou test des deux doigts ou de l’œuf, est le test de virginité fait maison par excellence. Mettant de côté l’opinion de leurs enfants, ils persistent dans cette pratique qui, cependant, a des effets négatifs sur la santé des victimes.

C’est quoi en réalité la virginité ?

La virginité sert à désigner l’état de quelqu’un qui n’a pas encore ou qui n’a jamais eu de rapports sexuels.

La définition du terme est très conceptuelle, elle varie selon les époques et les cultures. Elle peut également se définir comme étant l’absence de toute pénétration vaginale. Une conception qui fait de la présence de l’hymen un critère important. Cependant, certaines filles naissent sans ce dernier et celui-ci est capable de se dilater ou se déchirer au cours d’une activité physique ou durant la croissance de l’enfant; alors que d’autres se le font reconstruire après défloration pour garder leur candeur virginale; ce qui peut paraître un peu absurde. Mais de par cette définition, ces dernières ont plus de chance d’être considérées comme étant chastes à l’opposé de celles qui perdent accidentellement leur repli muqueux.

La présence de sang est aussi un critère important de chasteté dans certaines cultures. Elle est considérée comme étant une preuve de la virginité féminine.

Dans certains pays, la volonté est aussi prise en compte. Les victimes de viol, si elles n’ont pas été dépucelées bien avant, y sont considérées comme étant vierges, car elles n’ont pas été consententes. Ce qui laisse définir le concept comme dépendant à la fois de l’acte sexuel en soi et du choix du partenaire qui doit en avoir pleine conscience.

Pour l’historienne Yvonne Knibiehler, la virginité est un « enjeu social, moral et symbolique portant une charge affective et émotionnelle intense ».

L’hymen, qu’est-ce que c’est ?

L’hymen est une fine membrane fermant partiellement le vagin et qui sépare sa cavité de la vulve. Il n’est pas limité à l’espèce humaine ; on le retrouve également chez plusieurs autres espèces de mammifères comme le rat, la baleine, les éléphants…

Son anatomie

D’une femme à l’autre, il revêt une forme différente en fonction de son ouverture :

  • Hymen annulaire (forme d’anneau) : ouverture circulaire centrale avec diamètre variable
  • Hymen semi-lunaire ou falciforme : ouverture contre la paroi du vagin
  • Hymen cribriforme, en pont, cloisonné, septal, ou à bride : deux orifices placées de part et d’autre
  • Hymen criblé : percé de petits trous
  • Hymen labié : ouverture latérale ou verticale
  • Hymen microperforé : petite ouverture
  • Hymen imperforé : absence d’ouverture (le recours à une intervention chirurgicale s’avère nécessaire pour permettre l’écoulement des règles et des pertes vaginales)

Différents type d'hymen

La résistance hyménéale est aussi variable

Le plus souvent, au premier rapport sexuel complet, l’hymen se déchire; entraînant ainsi une perte sanguine non abondante. Cette rupture, capable de se cicatriser dans les 24 heures, le sépare en plusieurs caroncules hyménéales (lambeaux hyménéaux). Par ailleurs, il existe des hymens qui sont capables de se dilater, ils ne se déchirent pas, ni ne saignent, ils sont dits complaisants ou extensibles car ils sont très élastiques. Dans d’autres cas, l’hymen est très rigide, souvent infranchissable, c’est l’hymen scléreux. Il nécessite une incision chirurgicale ou hyménotomie ou hyménectomie. À l’opposé, quoique rare, il y a des femmes qui naissent sans hymen, leur cavité vaginale est complètement libre, pas d’obstruction.

La pratique de “Tate tifi”

Tate tifi” est une expression créole utilisée pour désigner le test de virginité des deux doigts ou de l’œuf. Malgré les interdictions de l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) et d’autres organismes des Nations Unies, se faisant parfois dans le plus grand des secrets, la pratique persiste encore dans certaines sociétés telles que l’Inde, l’Indonésie, le Brésil, des pays de l’Afrique du Nord et subsaharienne, Haïti…

En quoi consiste-t-elle ?

Servant à évaluer le relâchement de la paroi vaginale, elle consiste à introduire la tête de l’œuf ou les deux doigts (l’index et le majeur) dans le vagin. S’ils arrivent à entrer avec faciliter, la fille ou la femme testée est considérée comme étant impure ; dans le cas contraire elle est vue comme étant chaste.

Un test qui reste très peu fiable et qui résulte en quelque sorte d’un manque ou d’absence d’éducation sexuelle. Car si l’accusée n’a pas d’hymen ou en a un qui est complaisant, elle peut échouer au test et en subir innocemment les conséquences. Imaginons le cas où, celle-ci, étant habituée à le subir, se fait dépuceler et décide de reconstituer sa membrane hyménéale soit par hyménorraphie ou par hyménoplastie juste pour le réussir en dupant celui ou celle qui la teste.

Qui en fait usage ?

Dans la plupart des cas, ce sont les parents ou les personnes responsables qui pratiquent ce test. Mais il arrive parfois que des spécialistes de santé soient réquisitionnés pour la pratique, notamment en cas de viol. Certains pays de dictature en font usage sur des femmes emprisonnées et des opposants politiques.

Est-elle sans risque ?

Étant une violation de l’intimité de la victime, de son droit d’être protégé des discriminations basées sur le sexe et de son droit à la vie, à la sécurité et à la liberté ; cette pratique peut avoir des effets négatifs tant psychiques que physiques. Celles qui la subissent sont souvent en proie à l’anxiété, à la dépression ou encore au stress post-traumatique. Dans des cas plutôt extrêmes, il y en a parmi elles qui finissent par se suicider et d’autres qui sont parfois tuées pour la préservation de l’honneur. L’acte en soi est très humiliant et on ne peut plus traumatisant.

La maison est le premier lieu où doit se construire la personnalité de tout individu. De plus, c’est l’une des plus grandes responsabilités des parents ou des personnes en charge. Lorsqu’on impose ce test à la gente féminine on lui dit ouvertement qu’on n’a pas confiance en elle et que ni son opinion, ni son choix n’a d’importance ; repoussant ainsi son amitié. Or pour une bonne estime de soi, ces deux choses (confiance, respect de son choix et son opinion) sont nécessaires. Elle se dira alors dans sa tête : “si mes parents qui devraient être les premiers à avoir confiance en moi et à m’aider à faire respecter mes choix et mon opinion, sont ceux-là même qui les piétinent, qui d’autre le fera ?” Ainsi commence à se détruire sa personnalité et son estime. Sous prétexte qu’ils en ont le droit et qu’ils cherchent à préserver l’honneur de leur fille et de leur famille, en agissant de la sorte, ils ne se rendent même pas compte des menaces qui y planent ou font semblant de les ignorer. Habituée à se faire doigter soit dès l’enfance ou l’adolescence, la cible peut finir par voir dans cet acte un fait normal. Les chances pour qu’elle le dénonce venant de quelqu’un d’autre ou pas, sont faibles. Ce qui peut être aussi valable même en cas de viol. Le traumatisme sera dans ce cas double.

Selon certains psychologues, ces examens ou pratiques peuvent avoir des impacts sur la vie sexuelle des concernées et peut même entraîner des troubles sexuels chez elles tels que le vaginisme qui est la peur des pénétrations, un trouble de l’excitation sexuelle, un trouble de l’orgasme féminin ou une addiction au doigtage vaginal.

Physiquement, l’introduction des doigts ou de l’œuf dans le vagin peut endommager l’appareil génital et causer par conséquent des infections et des saignements. Il est aussi rapporté que certaines femmes se fabriquent un tissu hyménéal factice en utilisant du dentifrice ou de la viande dans leur vagin juste par peur de ces examens. Des pratiques, qui elles aussi, peuvent provoquer des saignements et des infections.

Dans certains cas, c’est un héritage qui se transmet malheureusement d’une génération à l’autre.

P.S. L’hyménoplastie et l’hyménorraphie sont le plus souvent des conséquences de la tégestophobie virginale.

L’Organisation Mondiale de la Santé appelle au bannissement de ces examens et estime donc qu’il est urgent d’informer le public en général sur leurs dangers, en particulier dans les régions du monde où ils sont pratiqués. Les victimes doivent cependant être suivies psychologiquement ainsi que ceux-là qui leur font subir le test. Car quoique cela puisse paraître un peu bizarre, ces derniers peuvent agir de la sorte suite à des traumatismes. Néanmoins, ils doivent être condamnés pour leur acte de viol puisqu’il a été fait sans consentement et parfois sous pression. Il est aussi important que des campagnes de sensibilisation soient faites contre ces pratiques de façon à rappeler aux filles et aux femmes que ça reste un viol tant qu’il n’a pas été ouvertement dit “oui” ; venant de qui que ce soit, cela reste un abus qui doit être dénoncé et que s’y opposer n’est pas un péché.

Les parents doivent apprendre à respecter l’intimité de leurs enfants surtout lorsqu’il s’agit d’un adulte tout en ayant soin de leur inculquer les valeurs familiales et de les aider à mieux orienter leur sexualité en respectant les règles morales et les normes de la société à laquelle ils appartiennent.

Livret Mars
FEMME : synonyme de vie✨, de courage, de force💪🏾, de tendresse💕 et d’amour❤️… Une fois de plus, ce 8 mars, Bèlide Magazine tient à honorer les femmes d’une manière spéciale à travers son livret du mois de mars rempli de surprises pour l’occasion. À la Une, on y retrouve un portrait de quatre courageuses femmes haïtiennes💁🏾‍♀️. Placez vite votre commande dans le lien ci-dessous et jouissez de ce petit bijoux📚 https://forms.gle/GuEf7AaevBiif8tY8

Comments (3)

  1. Très bon article
    Elle devrait être en créole
    Ou avec un langage français très familier.
    Et pourquoi pas une vidéo en créole
    Desann vinn jwenn pep la.
    M santi nou anlh
    Epi tip de moun ki plis f pratik sa c an pwovens
    Anpil fwa moun yo pa gen nivo franse sa
    Jan de sije merite aknpanye ak yn videyo kreyol eksplisit

  2. Felicitations Bella😍👏👏

  3. Wowww Je tiens à te féliciter pour ce très bon article. Cet article mérite d’être ecrit en anglais également.. Let’s it keep up!

Comment here