En Corée du Sud, une vague de manifestations a éclaté ces dernières années contre l’utilisation abusive des deepfakes pornographiques. Ce phénomène croissant met en lumière une tendance inquiétante : la création de contenus vidéos synthétiques dans lesquels des visages de femmes, souvent célèbres ou anonymes, sont montés sur des corps d’actrices pornographiques pour produire de fausses vidéos à caractère sexuel. Cette pratique est non seulement une violation de la vie privée, mais aussi une forme de violence numérique qui affecte principalement les femmes.
Les deepfakes sont créés grâce à l’intelligence artificielle (IA). Ils permettent de superposer le visage d’une personne sur un corps dans une vidéo, ce qui peut donner l’illusion que la personne participe à des actes auxquels elle n’a jamais consenti ou même participé. Ce type de contenu pornographique est non consensuel et amplifie les abus sexistes et la violence en ligne.
Une crise technologique et sociale
La prolifération des deepfakes pornographiques en Corée du Sud s’inscrit dans un contexte plus large de violences numériques visant les femmes. Depuis plusieurs années, la Corée du Sud est confrontée à un problème majeur de « molka », terme désignant la diffusion illégale de vidéos intimes filmées à l’aide de caméras cachées, souvent placées dans des lieux publics ou privés. Les deepfakes viennent aggraver cette réalité, en exploitant les technologies avancées pour renforcer le harcèlement en ligne.
En 2020, une étude du gouvernement sud-coréen a révélé que la majorité des victimes de contenus pornographiques non consensuels étaient des femmes. Ces deepfakes ciblent à la fois des célébrités et des citoyennes ordinaires, dont les visages sont pris sur des réseaux sociaux ou des plateformes publiques sans leur autorisation. L’impact de ces vidéos sur les victimes est dévastateur, allant de l’humiliation publique à des conséquences psychologiques graves.
Mobilisation sociale et manifestations
Face à cette crise, des groupes de défense des droits des femmes et des victimes de violences numériques ont organisé des manifestations dans tout le pays. En 2021, une série de protestations a eu lieu dans la capitale, Séoul, pour dénoncer la passivité des autorités face à ces crimes numériques et pour exiger des réformes législatives. Les manifestants, en grande majorité des femmes, brandissaient des pancartes avec des slogans tels que « Nos corps ne sont pas un terrain de jeu numérique » et « Stop aux deepfakes pornographiques ».
Les protestations visent à obtenir une reconnaissance officielle du deepfake pornographique comme un crime sexuel grave et à renforcer les sanctions contre les créateurs et les diffuseurs de ces contenus. En Corée du Sud, les infractions liées à la diffusion de vidéos illégales ont longtemps été sous-pénalisées, bien que des progrès aient été réalisés. En 2020, les autorités ont adopté une nouvelle loi qui punit la création et la diffusion de deepfakes à des fins pornographiques d’une peine pouvant aller jusqu’à cinq ans de prison. Cependant, les activistes estiment que les mesures actuelles restent insuffisantes, notamment en ce qui concerne la prévention et la réparation des dommages subis par les victimes.
Il est aussi à noter que le 2 Septembre 2024, la police sud-coréenne a annoncé, lundi 2 septembre 2024, avoir ouvert une enquête contre sa messagerie, qu’elle accuse d’« encourager » la diffusion de contenus pornographiques truqués utilisant notamment l’image de mineurs. Ces contenus, les « deepfake porns », sont des montages pornographiques générés avec l’intelligence artificielle dans lesquels des visages d’individus sont plaqués sur des photos ou dans des vidéos sexuelles. (20minutes)
Lutte pour une législation plus stricte
En dépit des avancées législatives, la lutte contre les deepfakes pornographiques en Corée du Sud demeure un défi. Une des principales revendications des manifestants est la création de lois plus strictes qui facilitent la suppression rapide des vidéos deepfakes et la mise en place de mécanismes d’indemnisation pour les victimes. Actuellement, de nombreuses victimes se retrouvent sans recours efficace face à la diffusion virale de ces contenus. Une autre exigence majeure est l’amélioration des outils technologiques de détection des deepfakes pour que ces vidéos puissent être supprimées avant qu’elles ne deviennent virales.
En outre, les activistes demandent une meilleure formation des forces de l’ordre et du système judiciaire pour mieux comprendre la gravité des crimes liés aux deepfakes et garantir que les contrevenants soient poursuivis de manière effective. Le gouvernement est également sommé de travailler avec les géants de la technologie pour empêcher la diffusion de ces vidéos sur les plateformes en ligne.
L’engagement des jeunes générations
Les manifestations contre les deepfakes pornographiques s’inscrivent dans un mouvement féministe plus large en Corée du Sud, où les jeunes femmes jouent un rôle central dans la lutte pour l’égalité des sexes et contre les violences sexuelles. Elles se sont engagées massivement dans la dénonciation des abus numériques et la sensibilisation à la question des droits numériques. Des collectifs féministes, tels que le groupe « Flaming Feminist Action », ont émergé pour lutter contre la cyberviolence et réclamer une justice sociale.
Les réseaux sociaux et les campagnes en ligne ont été largement utilisés pour amplifier la voix des victimes et sensibiliser la population. Le hashtag #MyLifeIsNotYourPorn (« Ma vie n’est pas ton porno ») est devenu un cri de ralliement pour les femmes coréennes et a attiré l’attention internationale sur le problème des deepfakes et des autres formes de violences sexuelles numériques en Corée du Sud.
Les manifestations contre les deepfakes pornographiques en Corée du Sud illustrent un combat urgent pour la dignité, la sécurité et le respect des femmes à l’ère numérique. Bien que des progrès législatifs aient été réalisés, les activistes estiment que beaucoup reste à faire pour protéger efficacement les victimes et prévenir la diffusion de ces vidéos non consensuelles.
Rapport entre Deepfake et Revenge Porn : qu’en est-il de Haïti ?
Le deepfake pornographique et le revenge porn sont deux formes de violence numérique qui exploitent la technologie et les réseaux sociaux pour humilier et harceler des personnes, principalement des femmes. Dans les deux cas, il s’agit de l’utilisation d’images intimes à des fins malveillantes, mais il existe une différence fondamentale : le revenge porn consiste à diffuser de véritables images ou vidéos sexuelles sans le consentement des personnes concernées, souvent pour se venger après une relation, tandis que le deepfake pornographique utilise des technologies d’intelligence artificielle pour créer des vidéos où le visage d’une personne est superposé à un corps qui n’est pas le sien, dans des situations sexuelles fictives. Cependant, les deux pratiques partagent un objectif commun : détruire la réputation des victimes et exercer un contrôle sur elles, en utilisant leur intimité à des fins coercitives ou de manipulation.
En Haïti, un phénomène similaire se produit avec le partage non consensuel de photos intimes sur des groupes privés de réseaux sociaux, touchant particulièrement les femmes. Ces pratiques, souvent qualifiées de « revenge porn », créent un climat de terreur et de honte pour les victimes, dans un contexte où la législation n’est pas efficace pour lutter contre ces abus numériques. Le partage de photos intimes devient une arme de contrôle, de manipulation et de stigmatisation, exacerbée par une culture de la honte sexuelle et des inégalités de genre. Cette situation en Haïti reflète l’impact dévastateur de l’absence de régulation stricte et de sensibilisation à la violence numérique, où les victimes n’ont pas de recours légaux pour faire supprimer ces contenus et obtenir justice. Le manque de lois spécifiques et l’impunité renforcent cette crise de la vie privée et de la sécurité en ligne.
La lutte contre les deepfakes et le revenge porn s’inscrit dans un mouvement plus large pour les droits des femmes et la lutte contre le sexisme numérique qui continue de gagner du terrain dans le monde.
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